LE GRAND PARIS ET SA LOGIQUE DE PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ RELIÉS PAR UN NOUVEAU MÉTRO

Une volonté ancienne : agrandir la capitale.


Histoire du XIXe à 1980

La volonté d’expansion spatiale de l’agglomération parisienne n’est pas
nouvelle. Au XIXe siècle, Napoléon III souhaite que la capitale s’étende
de Saint-Germain-en-Laye aux environs de Chelles. La ville-centre a
progressivement étendu son emprise sur ses faubourgs afin de mieux
asseoir son rayonnement. Cette urbanisation exponentielle a modifié
progressivement sa superficie. Depuis le XXe siècle la ville s’est
développée rapidement par zones successives d’habitats, d’industries et
d’activités qui se sont juxtaposées autour de grands axes de circulation
rapide. Dans les années 1960, la région parisienne s’urbanise davantage
sous le gouvernement gaulliste avec Paul Delouvrier, Délégué général au
District de la région parisienne, chargé d’organiser le développement et
la création de Villes Nouvelles autour de Paris.
Paris devient la métropole du Grand Paris. Une idée émerge : la
gouvernance de la ville de Paris n’est pas adaptée à la mondialisation
néolibérale, il faut mettre fin au mille-feuille administratif de
l’Île-de-France et à l’émiettement des communes (près de 35 000 communes
en France dont plus de 1 200 en Île-de-France).


Histoire depuis 1980

Depuis les années 1980 et surtout depuis le début des années 2000 un
ensemble de réflexion est porté par des acteurs politiques, notamment à
la ville de Paris, dans les départements, à la Région, sur la nécessité
de faire des formes d’associations pour ne plus raisonner à l’échelle
communale strictement mais à l’échelle de la zone dense autour de Paris.
« Paris doit parler à sa banlieue », « les banlieues doivent se parler
entre elles », « il faut regarder ce qui se fait ailleurs, dans les autres
grandes villes comme Londres ». Une conviction s’installe, celle selon
laquelle Paris ne pourra se projeter dans le futur sans aller au-delà de
son périphérique. Ces discussions donnent lieu à des évolutions
juridiques et institutionnelles : le projet Grand Paris est lancé avec
la loi Grand Paris du 3 juin 2010. Finalement,
la Métropole du Grand Paris est créée le 1er janvier 2016, la nouvelle
intercommunalité réunie les arrondissements parisiens, les communes des
trois départements de petite couronne et sept communes de grande
couronne soit près de 7,5 millions d’habitants.


La philosophie derrière

Le Grand Paris est l’illustration d’un nouveau modèle de croissance
territorial volontariste fondé sur une vision de l’aménagement du
territoire et de l’économie nationale dans laquelle la capitale joue un
rôle moteur. L’idée, inspirée des théories des avantages comparatifs,
est de développer un système de clusters, de pôles urbains spécialisés
dans lesquels serait concentrée la richesse francilienne ce qui leur
permettrait d’atteindre une taille critique pour être visibles et
attractifs à l’échelle internationale. Cette visibilité, notamment dans
les classements mondiaux, attirerait les investisseurs, ainsi
Paris-Saclay pourrait devenir un attracteur global rayonnant comme la
Silicon Valley, la Défense pourrait être un équivalent de la City et la
Plaine de France, un nouvel Hollywood/Bollywood.
Dans cette logique de spécialisation des territoires du Grand Paris, le
plateau de Saclay doit faire rayonner l’innovation scientifique et
technologique et être directement relié au pôle aéroportuaire de
Orly-Rungis, l’Ouest parisien a son pôle financier avec la Défense, la
Plaine commune est considérée comme le pôle de création audiovisuelle,
Roissy-Charles-de-Gaulle participe aux échanges internationaux, le
Bourget agrège de nombreux acteurs de l’aéronautique, Villejuif se
spécialise dans la santé et les biotechnologies et Marne-la-Vallée
se façonne une vitrine de ville durable.


La réalité des gens

Les chantiers du Grand Paris redessinent la carte sociale de l’Île-de-France. Autours de ces chantiers surgissent des quartiers nouveaux ou « rénovés » promis à la gentrification, poussant toujours plus loin les populations modestes, et transformant le cœur historique de Paris en désert pour riches touristes et sièges sociaux de prestige. Ils détruisent méthodiquement nos derniers jardins, espaces verts, parcs et champs dans et autour de Paris. Ils créent des infrastructures de transport inutiles et surdimensionnées, qui seront autant d’appels d’air pour aggraver la mobilité forcée des travailleurs franciliens (qui consacrent déjà en moyenne 1h30 par jour à leurs trajets domicile-travail, soit 50% de plus que la moyenne nationale).

Partout en Île-de-France des milliers d’hectares de terres fertiles sont menacés de disparaitre sous le béton. Le métro du Grand Paris Express, avec ses 43 millions de tonnes de déchets et ses gares en plein champs, les chantiers des Jeux Olympiques qui détruisent des jardins ouvriers centenaires, mais aussi la multiplication d’entrepôts et de plateformes logistiques géantes saccagent des terres vitales pour la résilience du territoire francilien.

Ces projets sont menés au mépris tant des alertes scientifiques sur le climat et la 6e extinction de masse que de l’avis et des besoins des habitants qui réclament une alimentation et un environnement sains pour eux comme pour leurs enfants.

Or c’est bien le contribuable qui règle la facture salée d’une gestion opaque du Grand Paris qui compte déjà plus de 160 marchés publics frauduleux et un dépassement de 13 milliards d’euros dénoncé par la Cour des comptes en 2018.